dimanche 21 septembre 2014

Les trois chapitres qui manquent au bid book de Sfax Jeux Méditerranéens 2021.


Je pense que les médias n'ont pas suffisamment traité le sujet de la candidature de Sfax aux Jeux Méditerranéens  de 2021, car il ne s'agit pas ici de Syphax Airlines mais plutôt d'une candidature sérieuse d'une ville qui a beaucoup d'ambition et qui a choisit de miser sur le sport comme vecteur de développement. Si tout ce que les médias ont relié se résume au vol prévu par la compagnie aérienne pour transporter la délégation ou la rumeur du refus du chef de l'Etat d'appuyer cette candidature, le plus important est que la ville de Sfax a construit un bid book défendable, que je vais quand même un peu critiquer. Chose faite, et malgré le titre de ce billet, j'appuie cette candidature qui fera face à Tanger (Maroc) et Oran (Algérie). 

Si, aussi, j'aurai bien fait les choses, je m'aurai procuré les bid book de Tanger et d'Oran pour réellement comparer les 3 candidatures et estimer les chances de chacune. Il n'est pas moins vrai que les bid book ne jouent pas seuls, les votes sont aussi soumis à un énorme travail de lobbyisme et de géopolitique. Tanger n'a pas raté l'occasion de médiatiser l'appuie de Taragonne (Catalogne) à laquelle le Maroc a offert une voix pour 2017. Les trois pays sont aussi voisins partageant les conditions climatiques, religion, culture et portrait social et vraisemblablement les mêmes problèmes d'infrastructures (si Oran dispose de Tramway, à Sfax et à Tanger les projets sont encore en étude, et je pense qu' à sfax, le projet restera tributaire de la décision du CIJM). Ce qui donnera plus de poids à l'expérience de chacun en matière d'organisation, au projet de développement qui va toucher directement la ville organisatrice, aux budgets prévus (les grands absents de la candidature de Sfax), et à l'appui des Etats pour assurer la sécurité et le respect de la charte des jeux.  

Je reviens donc au bid book de sfax, que j'ai récupéré sur simple demande, afin d'un côté vous présenter ses points forts et de l'autre ce qui aurait pu davantage l'enrichir. Sfax s'appuie dans cette candidature sur l'expérience récoltée par la Tunisie en organisant deux fois les JM en 1967 et en 2001 (la Turquie, l'Espagne et l'Italie l'ont déjà organisé trois fois). Mais aussi sur l'expérience acquise en 1994, 2004 lors de la Coupe d'Afrique des Nations et 2005 lors du Championnat du Monde de Handball. Sfax a aussi présenté son projet de Tramway avec 5 lignes (mise en place dès 2019, et qui traîne malheureusement depuis plusieurs années), son aéroport international avec une capacité de 500k passagers par an, ses 13 salles omnisports, 12 stades de football (mais réellement un seul est capable d'abriter un évènement international) et sa piscine municipale couverte. 

Plan 5 lignes Tramway à Sfax. Source : bid book Sfax JM 2021.

Sfax a tenu à mettre en avant le caractère sportif de la ville avec 3836 licences en 23 disciplines individuelles et 8100 licences en 5 disciplines collectives. L'intérêt que porte la ville au sport s'est notamment exprimé par le projet de la Citée Sportive qui comportera un stade olympique de 40k places, une salle omnisports de 6K places, une piscine couverte, un stade de rugby, un stade d'athlétisme (500 places chacun) avec un petit hôtel et un compartiment administratif. Le bid book n'a pas manqué de décrire les atouts de la ville sur le volet culturel, estudiantin et santé. L'Etat, le CNOT, et le sponsor Syphax Airlines ne sont pas les seuls à appuyer cette candidature, des artistes et sportifs comme l'idole M. Guammoudi se sont aussi associés à cette initiative. 

Plan Citée Sportive Sfax. Source : bid book Sfax JM 2021.

Les trois villes ont chacune une réelle opportunité d'abriter les JM de 2021. Si la Tunisie profite de l'expérience et d'un projet social et économique qui renforce cette candidature, le Maroc témoigne davantage de professionnalisme en matière d'organisation d'évènements internationaux et les médias algériens assurent que dix pays soutiennent déjà la candidature d'Oran (Libye, Egypte, Andorre, Monaco, Serbie, Slovénie, Macédoine, Bosnie-herzégovine, Espagne). Nous aurons la réponse en 2015, d'ici là, je peux déjà souligner quelques points manquants dans le bid book de Sfax, et qui auraient sécurisé davantage cette candidature : 

- Les finances : aucun détail sur les budgets prévus pour le Comité d'Organisation, hors CO, cérémonie, constructions, communication et activités culturelles. Plus, aucun détail sur les plans de secours en cas de déficit, sur les garanties contre l'augmentation des prix pendant les jeux, les incidences fiscales sur la contribution financière du CIJM et sur les législations en matière d'appel d'offre ou concours nationaux. J'ajoute qu'il manquait les projections de recette (à partir du parrainage par exemple).

Il aurait été très pertinent de mettre en évidence que le projet de la citée sportive a été remporté par deux architectes tunisiens suite au concours lancé par l'Etat. Une preuve incontournable de la volonté de l'Etat à créer des opportunités de taille en faveur des compétences nationales autour de cette compétition.

- L'opinion publique : surtout en ce moment, où le pays se montre sur plusieurs portraits sociaux, il aurait été crucial de démontrer que les habitants de la ville de sfax, ainsi que tous les tunisiens, peuvent se réunir derrière cette ambition et démontrer d'un commun enthousiasme leur accueil à cette compétition. Les résultats d'un sondage auraient pu accompagner le bid book, tout en rassurant que les jeux ne peuvent pas être interdits ou interrompus (par référendum par exemple).

- Je réunis le marketing et le ticketing : pas de stratégie de communication, pas de détail concernant les espaces de publicité disponibles au niveau de la ville, pas de garantie contre la contrefaçon (point très sensible commun aux pays en voie de développement), pas de garantie contre le marketing sauvage (l'ambush), pas de détail concernant ce que prévoit la législation en matière de communication sur des produits comme le Tabac et l'Alcool ou encore en matière de pari sportif, pas de stratégie de ticketing ou d'expérience à faire valoir de remplissage de stade, pas d'éventail des prix ou de comparaison avec d'autres compétitions sportives de même échelle. 

La candidature aurait pu aussi renforcer le chapitre Hébergement (avec une liste d'hôtel, de prix...). Je pourrai continuer avec d'autres points, mais je ne doute pas que la commission les prévoit déjà  en cas d'acceptation du dossier. Pari pas encore gagné, rendez-vous en 2015 !

Je finis par ajouter qu'il est très impressionnant d'observer un tel projet se constituer dans l'environnement présent, où le développement du sport n'est pas encore prioritaire, où le développement par le sport n'est pas encore estimé à sa juste valeur. En contre partie, quand tous les médias ne rapportent qu'une seule information et qui concerne un sponsor au lieu du contenu de la candidature, je m'attriste.

Si vous avez des critiques ou si vous avez des informations qui peuvent enrichir ce billet, n'hésitez pas à laisser un commentaire ou à m'envoyer un mail.